Inspiration pour le MJ: Ecrire un jeu de rôle

 

Écrire un jeu de rôle

 

 

Nous aurions pu intituler cet article « Écrire son jeu de rôle », mais c’est bien d’un jeu de rôle dont il sera question ici, c’est-à-dire une création destinée au public, et non pas de son jeu de rôle, destiné uniquement à son groupe de joueurs. Cet article propose donc des amorces de réflexions aux personnes qui voudraient éditer un jeu de rôle de façon professionnelle, même quand la démarche est entièrement bénévole.

 

 

Les Grands Principes

 

Tout d’abord, il s’agit de penser « grand public rôliste » et de réfléchir en amont à ce que souhaite découvrir les joueurs aujourd’hui. Piotr Borowski, fondateur de la boutique en ligne Ludikbazar et une des très rares personnes en France à vivre du jeu de rôle, explique : « Créer un jeu de rôle professionnel, ce n’est pas seulement un joli texte, de belles illustrations et une mise en page professionnelle. Il faut aussi que l’étude de marché en amont, la diffusion et le marketing en aval soit professionnels. Sinon, le projet reste amateur. Certains auteurs pensent qu’ils suffit d’imprimer un beau produit pour qu’il se vende comme des petits pains dans les boutiques ».  

Lors de votre étude de marché, posez-vous la question de savoir si vous voulez écrire un jeu de rôle, une campagne ou décrire un univers. L’idée que vous avez est-elle suffisamment originale, ou est-elle une variation sur un jeu connu ? L’univers que vous voulez décrire peut-il être simulé avec des règles génériques ?  

Lorsque vous êtes sûr de tenir une idée neuve par rapport au millier de jeu de rôle publié en France, réunissez une équipe. Il vous faudra des testeurs (une trentaine minimum), des illustrateurs, un maquettiste, éventuellement un directeur artistique, des relecteurs (fonction souvent oubliée), peut-être un webmaster. Les meilleurs jeux sont souvent l’œuvre collective d’une cinquantaine de personnes.

 

L’auteur écrivain

 

La phase suivante est l’écriture proprement dite. Vous pouvez soit développer seul ou en petite équipe un premier jet de votre jeu, soit l’écrire au fur et à mesure de vos parties avec un groupe de joueurs. Donnez-vous des objectifs en matière de nombre de pages pour la description du monde et pour celle des règles. Pour décrire votre monde, il n’y a pas de norme. Pensez au plaisir du lecteur. Si chaque paragraphe se lit comme une nouvelle, votre jeu se lira d’une traite. Pour les règles, visez la simplicité. Utiliser un moteur « libre » - comme le D20 ou les bien franchouillards dK système - est souvent une bonne solution. Sinon, voici quelques petites astuces. Évitez les tables : par définition, les joueurs devront ouvrir le livre pour s’y reporter, cela ralentit de quelques secondes la partie qui perd en fluidité. Homogénéisez tous les points de règles. Par exemple, tous les sorts durent une minute ou une heure ; tous les jets se font avec un dé à 30 faces ; toutes les caractéristiques sont notées de 1 à 100… L’erreur du concepteur de jeu des années 2000 serait de faire comme celui des années 80, avec un système de règles lourd et lent. Depuis, on a inventé l’ordinateur, et le public préfère jouer avec une interface électronique dès que le système devient trop compliqué. Évitez aussi que vos règles se réduisent à un générateur de porte-monstre-trésor : le public (et vous-même, non ?) préfère également un bon jeu de rôle en ligne pour s’adonner à ce plaisir malsain.

 

Et maintenant, jouons !

 

Commencez par tester chaque règle « dans le vide », juste en jetant quelques dés. Puis, pour le baptême du feu, un bon test du système de règle sera un petit scénario de combat. Si vos joueurs comprennent instinctivement le mécanisme, si les rires fusent autour de la table et si un combat entre un groupe de joueur et un kobold en slip prend moins de six heures, vous êtes sur la bonne piste.  

Remettez-vous souvent en question en fonction des parties test, et tirez expérience des points bloquants, des remarques des joueurs, de ceux qui quittent la table pour aller lire une BD et de ceux qui sont pliés de rire. Testez votre jeu en one-shot et en campagne, avec des personnages débutants et des personnages expérimentés. Il est important que le jeu soit intéressant dès le premier niveau, et que le jeu reste équilibré quand les personnages ont de l’expérience. 

N’oubliez pas qu’il ne s’agit pas de tester vos capacités de MJ mais bien de tester votre jeu, aussi n’oubliez pas de passer de l’autre côté de la table de temps à autre. Laissez aussi des parties se dérouler sous vos yeux, sans y prendre part. Enfin, le test ultime est la partie en aveugle. Confiez la version alpha de votre jeu à des débutants qui n’y ont jamais joué, et laissez-les monter une partie en votre absence. Au débriefing, ils vous reporteront des tonnes d’ambiguïté sur les règles que vous n’auriez pas pu déceler auparavant.

 

Souvent le métier remettra ton ouvrage

 

Vous l’aurez compris, la phase de test d’un jeu professionnel est plus longue que l’écriture elle-même. Une des conséquences immédiates en est que les multiples réécritures suite aux différents tests sont, mises bout à bout, plus longue que le premier jet. Ajoutez à cela les 3 ou 4 relectures/corrections nécessaires, et vous découvrirez qu’un bon jeu nécessite de nombreuses soirées d’hiver derrière votre écran.

 

Enfin, n’oubliez pas la table des matières, un index, les définitions des termes propres à votre jeu, des feuilles de personnages, la descriptions de quelques PNJ et d’adversaires, ajoutez quelques scénarii de découvertes pour donner le ton, et vous aurez terminé la phase d’écriture.  

Quand vous en êtes arrivé là, vous n’avez déjà fait que la moitié du travail. Il reste les illustrations, la mise en page, la recherche d’un éditeur (qui vous fera réécrire trois fois votre œuvre) ou la publication sur un site Internet dédié. Vous pouvez enfin publier votre jeu par exemple sur Lulu.com, un site d’impression à la demande.

 

Le suivi est ensuite très important. Participez à des conventions organisées par de joyeux clubs de jeux de rôles pour présenter votre bébé. Trouvez un forum bien fréquenté pour héberger une ligne de discussion dédiée. Référencez-vous sur le GROG ( http://www.legrog.org/home.jsp) et faites vivre une section sur votre jeu sur le Site de l’Elfe Noir (sden.org). Et bien sûr envoyez-nous à Jeu de Rôles Magazine un exemplaire de votre jeu pour que nous en écrivions une critique (au sens positif du terme). Nous sommes toujours disponibles aussi pour une interview. Et envoyez-nous des scénarii pour prolonger la vie de votre jeu. 

Si vous suivez ces conseils, vous devriez arriver à diffuser plus de 300 exemplaires de votre jeu, chiffre qui correspond à un jeu amateur qui a très bien réussit. Bon courage et n’oubliez pas : votre jeu sera bon si vous vous faites plaisir en le développant. Sinon, passez à un autre projet. 

 

Guillaume Besançon 

 

 

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